2.4 – Questions à surveiller quant à leurs répercussions sur l’Ouest canadien
Les questions suivantes contribuent à façonner le contexte global de l’Ouest. DEO surveille leur évolution en rapport avec l’Ouest canadien. Le Ministère avisera la ministre si l’on demande à DEO d’agir à leurs égards.
Grève de la compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN)
Question
Des secteurs clés de l’industrie de l’Ouest canadien sont touchés par une interruption du service ferroviaire de la CN en raison d’une grève déclenchée par quelque 3 200 conducteurs, employés de train et agents de triage. La CN est l’un des deux principaux chemins de fer de marchandises de catégorie I au Canada et représente 52,8 % du réseau ferroviaire canadien.
[Caviardé]
Contexte
- Les travailleurs de la CN sont en grève depuis le 19 novembre 2019. Le syndicat de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada (CFTC) représentant les employés en grève est en négociation avec la CN depuis plusieurs mois. La convention collective précédente a expiré le 23 juillet 2019.
- Les négociations se poursuivent pendant la grève. Les questions liées à la santé et à la sécurité des travailleurs font l’objet de discussions.
- Le Service fédéral de médiation et de conciliation a collaboré avec les parties pour parvenir à un accord. La ministre du Travail, Filomena Tassi, a déclaré qu’elle établirait le contact avec les deux parties pour favoriser une entente. Le ministre des Transports Marc Garneau a également réitéré la nécessité pour les deux parties d’en arriver à un règlement par la négociation collective.
- Avant l’avis de grève de la CFTC, la CN avait annoncé son intention de supprimer environ 1 600 emplois en raison de la baisse des volumes de marchandises et des recettes découlant du ralentissement de l’économie nord-américaine. Un porte-parole de la CN a fait remarquer qu’un ralentissement dans le secteur forestier de la Colombie-Britannique et le retard des expéditions de céréales des Prairies en raison des intempéries nuisent à leurs activités de transport des marchandises.
Incidence sur les secteurs clés de l’Ouest canadien
En raison de la dépendance à l’égard du train de ses secteurs primaires, l’économie de l’Ouest canadien sera durement touchée si la grève se poursuit au-delà d’une semaine.1
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Céréales
- La grève se produit pendant la haute saison de navigation pour les agriculteurs de l’Ouest canadien. La CN détient environ la moitié de la part du marché de l’expédition des céréales dans les Prairies. Elle achemine les céréales vers les ports de Vancouver, de Prince Rupert (Colombie-Britannique) et de Thunder Bay (Ontario) pour qu’elles soient expédiées à des clients internationaux.
- Les producteurs de céréales de l’Ouest canadien font déjà face à des difficultés économiques en raison de sanctions commerciales et d’une récolte retardée en raison des conditions froides et humides de l’automne. Bien que le rendement des cultures ait été élevé cette année, une partie de la récolte est toujours au sol. Les agriculteurs comptent sur la disponibilité du service ferroviaire dès qu’ils seront en mesure d’acheminer davantage de céréales.
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Pétrole et produits chimiques
- La CN s’occupe de plus de 50 % de toute la production chimique canadienne et transporte 60 % des exportations de pétrole brut par rail du Canada. Il s’agit du seul transporteur ferroviaire desservant trois centres pétrochimiques en Amérique du Nord : le centre de l’Alberta, la côte américaine du golfe du Mexique et le Sud-Ouest de l’Ontario. Jusqu’à maintenant, en 2019, la CN a transporté en moyenne plus de 16 500 chargements hebdomadaires de produits pétrochimiques sur son réseau.
- L’Association canadienne des producteurs pétroliers (ACPP) s’est dite préoccupée par le manque de capacité ferroviaire, d’autant plus que l’industrie fait déjà face à des contraintes de capacité en ce qui concerne les pipelines de l’Ouest canadien.
- Selon l’Association canadienne de l’industrie de la chimie, certaines installations chimiques ont commencé à fermer leurs portes avant la grève; elle estime que l’incidence économique sur les grandes entreprises qui doivent fermer leurs portes est de 1 million de dollars par jour.
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Exploitation minière
- L’Ouest canadien compte plusieurs mines qui dépendent du réseau ferroviaire pour expédier des produits importants comme les engrais (potasse et autres), l’uranium, les métaux et le charbon. Jusqu’à maintenant, en 2019, la CN a transporté en moyenne près de 18 000 chargements hebdomadaires de métaux et de minéraux sur son réseau.
- Selon l’Association minière du Canada (AMC), une grève prolongée aurait de graves répercussions sur l’industrie, tant sur le transport des produits que sur l’expédition du carburant et des fournitures aux sites miniers. Les membres de l’AMC ont averti que la grève pourrait entraîner des fermetures de mines et des mises à pied dans quelques jours.
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Foresterie
- Le secteur canadien des produits forestiers compte pour 10 % du tonnage total transporté sur le réseau ferroviaire canadien. Le secteur dépend de l’infrastructure ferroviaire pour acheminer 90 % de ses produits vers les marchés d’exportation.
- Le BC Council of Forest Industries craint que la grève ne crée de nouvelles difficultés pour les entreprises forestières, les travailleurs et les collectivités de la Colombie-Britannique à un moment où le secteur est confronté à une concurrence mondiale accrue.
Différends internationaux en matière de commerce agricole
Question
La Chine et l’Inde ont adopté des mesures commerciales à l’encontre des produits agricoles canadiens. Étant donné que l’Ouest canadien est le premier producteur des cultures touchées par ces mesures, DEO pourrait être sollicité pour accentuer les efforts du gouvernement du Canada en faveur de l’industrie.
[Caviardé]
Contexte
- En 2017, l’Inde a imposé des tarifs sur les cultures de légumineuses du Canada, ce qui a entraîné des répercussions sur les exportations de pois, de lentilles et de pois chiches. La Saskatchewan est le premier exportateur canadien de pois et de lentilles, et l’Inde est son principal marché d’exportation. En 2018, les tarifs ont contribué à une baisse des exportations de pois et de lentilles de la Saskatchewan vers l’Inde de 83 % par rapport à l’année précédente. L’Ouest canadien a cependant pu bénéficier de débouchés sur d’autres marchés, et ses exportations de pois et de lentilles n’ont, dans l’ensemble, diminué que de 22 % au cours de la même période.2,3
- Les mesures commerciales adoptées par la Chine en 2019 concernant les graines de canola et les produits de viande ont pris effet plus tôt dans l’année. Bien que l’interdiction frappant les produits de viande canadiens ait été récemment levée, les restrictions visant le canola restent en vigueur. Au Canada, le canola est produit à plus de 99 % dans l’Ouest canadien. Près de la moitié du canola exporté en 2018 était destiné à la Chine4. Qui plus est, en 2018, la valeur des exportations canadiennes de canola à destination de la Chine était supérieure à la valeur combinée des quatre principaux marchés d’exportation suivants (Japon, Mexique, États-Unis, Pakistan). La perte économique associée à la disparition de ce marché se fera surtout ressentir dans l’Ouest canadien.
- Le gouvernement fédéral a annoncé plusieurs mesures de soutien financier en faveur des producteurs agricoles, dont une aide supplémentaire de 150 millions de dollars en matière d’assurance et une révision à la hausse des limites d’emprunt. Le Canada a également sollicité l’organisation, dans le cadre de l’OMC, de consultations avec la Chine pour le règlement du différend.
- Agriculture et Agroalimentaire Canada codirige le Groupe de travail du gouvernement du Canada sur le canola, qui s’emploie, en collaboration avec les intervenants, à résoudre le problème d’accès au marché pour le canola canadien.
Projet d’agrandissement du pipeline Trans Mountain
Question
Le projet d’agrandissement du pipeline Trans Mountain est une question litigieuse dans l’Ouest canadien. Les gouvernements, les régions et les groupes autochtones sont profondément divisés sur les avantages économiques de ce projet par rapport au préjudice environnemental qu’il présente. Bien que DEO n’ait pas été chargé de jouer un rôle juridique ou réglementaire à l’égard de la construction de pipelines, le Ministère suit la question de près en raison de ses répercussions considérables sur l’Ouest.
[Caviardé]
Contexte
- Alors que l’économie du Canada s’est dans une large mesure redressée depuis l’effondrement mondial du prix du pétrole en 2014, la reprise économique en Alberta a connu des ratés en partie en raison de goulots d’étranglement dans le transport du pétrole qui ont contribué à une baisse considérable de son prix en Alberta en 2018. Les prévisions pour la province quant à une croissance économique demeurent faibles, les taux d’inoccupation élevés des bureaux du centre-ville persistent, et le taux de chômage demeure élevé.
- En août, le gouvernement a annoncé que la construction du pipeline Trans Mountain (TMX) appartenant à l’État reprendrait à l’automne 2019. Les travaux de construction ont repris, avec l’embauche de 2 200 travailleurs, auxquels devraient se joindre 2 000 autres d’ici la fin de l’année. Les travaux sont en cours dans les terminaux de pipeline en Colombie-Britannique et les stations de pompage en Alberta. Dans certaines zones, les dates de démarrage des travaux restent assujetties à l’obtention des autorisations et permis réglementaires, mais le pipeline devrait entrer en service d’ici la mi-2022.
- À la suite du renouvellement de l’autorisation, l’Angus Reid Institute a sondé les Canadiens pour connaître leur opinion à l’égard du projet. Même si c’est en Alberta que le TMX obtient le plus grand soutien (87 %) parmi les personnes interrogées, une majorité de personnes sondées en Colombie-Britannique (54 %) le soutient également5. Il convient cependant de noter qu’une majorité de personnes sondées en Colombie-Britannique considère que la « protection de l’environnement » passe avant la « promotion de la croissance économique » dans l’élaboration de la politique du Canada en matière d’énergie.6
- Les populations autochtones, les gouvernements provinciaux, les municipalités et les intervenants ne sont pas unanimes dans leur soutien ou leur opposition au TMX :
- Les groupes autochtones ont contesté devant les tribunaux l’autorisation initiale accordée au TMX, au motif que les consultations étaient insuffisantes. Leur action a porté ses fruits : une deuxième phase de consultation a été organisée avant que l’autorisation ne soit renouvelée.
- Certaines populations autochtones, les Villes de Vancouver et de Burnaby et divers organismes environnementaux ont également contesté devant les tribunaux le renouvellement de l’autorisation. Le 4 septembre 2019, la Cour d’appel fédérale a fait savoir qu’elle entendrait les arguments de six groupes autochtones affirmant que les consultations menées entre août 2018 et juin 2019 étaient insuffisantes.
- De nombreux groupes autochtones en Colombie-Britannique et en Alberta investissent dans le secteur de l’énergie et soutiennent l’agrandissement du pipeline. Un intérêt particulier a été porté à une participation autochtone dans le TMX, et on a émis l’hypothèse que l’« Indigenous Opportunities Corporation », proposée par le gouvernement de l’Alberta et dotée d’une enveloppe d’un milliard de dollars, pourrait faciliter une participation autochtone dans le projet.
- Un certain nombre de Premières Nations de la Colombie-Britannique s’opposent au projet. Elles voient l’agrandissement du TMX comme une nouvelle industrialisation de l’assise territoriale et du littoral de la Colombie-Britannique dans un territoire qui, selon elles, est « non cédé ». Elles se considèrent comme les gardiens légitimes de ces ressources et souhaitent jouer un rôle plus central dans leur gestion.
- Le gouvernement de l’Alberta critique ouvertement les activités fédérales perçues comme un obstacle au secteur de l’énergie, à la construction de pipelines et à la compétence provinciale en matière de ressources naturelles. En Colombie-Britannique, le gouvernement minoritaire exerce le pouvoir en vertu d’un accord par lequel il s’engage à « employer tous les outils à disposition d’un nouveau gouvernement pour mettre fin à l’agrandissement du pipeline Trans Mountain » [traduction].
- L’Office national de l’énergie (ONE) a constaté que le TMX générera d’importants avantages économiques7. Le projet devrait permettre de créer 7 900 emplois (taux d’emploi maximal) et de produire un PIB de 5,9 milliards de dollars en Alberta et de 12,6 milliards de dollars en Colombie-Britannique durant les vingt premières années de son exploitation8. Ces avantages sont d’une importance cruciale pour l’économie de l’Ouest canadien. Néanmoins, l’ONE a également confirmé que le TMX représentait un risque pour l’environnement, notamment en ce qui concerne les déversements de pétrole et les répercussions « particulièrement » néfastes sur les épaulards résidents du Sud en voie de disparition.9
- Le projet de loi C-69 remplace l’ONE par la Régie de l’énergie du Canada et l’Agence canadienne d’évaluation environnementale par l’Agence d’évaluation d’impact du Canada. Aucune date d’entrée en vigueur n’a pour l’instant été fixée. Bien que le projet de loi n’ait pas d’incidence importante sur la réalisation du TMX, l’absence de réglementation définitive ajoute à l’incertitude qui entoure les futurs critères d’autorisation des projets en matière de ressources naturelles.
- Le projet de loi C-48 (Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers) interdit aux pétroliers transportant plus de 12 500 tonnes métriques de pétrole brut de s’arrêter ou de décharger du pétrole brut le long de la côte nord de la Colombie-Britannique, soit de la pointe nord de l’île de Vancouver jusqu’à la frontière avec l’Alaska. Cette loi est actuellement en vigueur. Certains craignent, dans l’Ouest canadien, que les projets de loi C-48 et C-69 puissent remettre en cause le futur prolongement du pipeline vers la côte ouest. Le projet de loi C-48 est perçu comme étant particulièrement discriminatoire envers l’industrie énergétique de l’Alberta, étant donné qu’aucune autre interdiction frappant les pétroliers n’a été adoptée ailleurs au Canada.
- L’absence actuelle de capacité pipelinière, l’incertitude de l’industrie concernant la future réglementation, les contestations devant les tribunaux et les coûts liés aux émissions de carbone nuisent à la compétitivité du secteur de l’énergie. Les sociétés étrangères ont cédé plus de 30 milliards de dollars d’actifs énergétiques canadiens10 au cours des trois dernières années, tandis que les investissements dans le secteur énergétique en Alberta ont diminué pendant cinq années consécutives.11 Le Bureau du directeur parlementaire du budget estime qu’un retard d’un an dans la construction du TMX entraînerait une réduction de 693 millions de dollars dans le prix de vente final que le gouvernement pourrait négocier.12
- Durant la consultation menée dans le cadre de la Stratégie de croissance de l’Ouest canadien de DEO, les Canadiens de l’Ouest ont souligné que l’accès aux marchés d’exportation était essentiel pour soutenir la croissance économique. Le renforcement de l’infrastructure (comme les pipelines) est une priorité essentielle du pilier « Commerce » de la Stratégie.
- DEO a déjà travaillé avec les communautés autochtones le long du TMX et des tracés de pipeline pour la canalisation 3 dans le cadre du partenariat sur les parcours économiques.13
Notes de bas de page
1 En raison de la disponibilité limitée de données spécifiques sur les expéditions ferroviaires par entreprise et par produit, les chiffres et les statistiques cités proviennent de sites de sociétés sources ainsi que d’articles de presse.
2 Données sur le commerce en direct
3 En 2018, les exportations de pois et de lentilles vers la Chine et les États-Unis ont augmenté de manière considérable, au point de devenir les deux principaux marchés d’exportation. La demande de la Chine en protéines végétales a augmenté et celle-ci a été en mesure de tirer parti du faible prix des légumineuses. La hausse des exportations vers les États-Unis a été marquée par une période de sécheresse en 2017 qui a réduit le rendement des récoltes de pois des États-Unis.
4 What Now? Canada’s China-Canola Challenge. Avril 2018. Canada West Foundation.
5 Shovels in the Ground: Majority say Liberals Made Right Decision in Approving Trans Mountain Expansion. Juin 2019. Angus Reid Institute.
6 Shovels in the Ground- Data Tables. Juin 2019. Angus Reid Institute.
7 Ibid.
8 Seeking Tidewater: Understanding the Economic Impacts of the Trans Mountain Expansion Project. Le Conference Board du Canada.
9 Rapport de réexamen de l’Office national de l’énergie : agrandissement de Trans Mountain. Février 2019.
10 The US$30 billion exodus: Foreign oil firms are bailing on Canada. Août 2019. Bloomberg News.
11 Provincial Outlook Economic Forecast: Summer 2019. Le Conference Board du Canada.
12 Achat du pipeline Trans Mountain par le Canada : considérations financières et économiques. 2019. Bureau du directeur parlementaire du budget.
13 Le partenariat pour les parcours économiques (PPE) est un engagement en faveur d’une approche pangouvernementale visant à faciliter l’accès des groupes autochtones aux programmes et aux services fédéraux existants qui leur permettent de participer au projet d’agrandissement du pipeline Trans Mountain et au projet de pipeline pour le remplacement de la canalisation 3, et de bénéficier des possibilités économiques et professionnelles connexes. Les quatre ministères principaux associés au PPE sont Ressources naturelles Canada, Affaires autochtones et du Nord Canada, Diversification de l’économie de l’Ouest Canada et Emploi et développement social Canada.
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